mardi 5 février 2013

Gel des prix à la consommation... pour deux mois [Actu]



L'inflation semble avoir repris du poil de la bête ces derniers temps en Argentine, comme le montrent la récente querelle entre le Gouvernement et le FMI, qui a osé imposer un blâme au pays pour les pratiques professionnelles de l'INDEC, l'institut argentin des statistiques (de quoi je me mêle ?), la question de l'habilitation des associations de consommateurs, qui est toujours un sujet délicat pour le pouvoir en place, et les prix que relève la presse. Dans un pays où le Gouvernement autorise (ou non) les augmentations de prix de vente que lui soumettent les producteurs. Pour la juguler, le Secrétaire d'Etat au Commerce vient de signer un accord avec les principaux acteurs de la grande distribution pour geler les prix des produits de première nécessité, dans l'alimentation comme dans l'équipement de la maison, jusqu'au 1er avril prochain. Cela nous paraît peu mais au rythme de l'inflation en Argentine, aucune entreprise raisonnable ne peut s'engager sur un délai plus long.

La presse réagit de manière diverse selon qu'elle représente la majorité (Página/12) ou l'opposition (Clarín et La Nación).

Côté Página/12, on se félicite de l'efficacité du ministre. Du côté de La Nación, on va jusqu'à parler d'une contrainte despotique que le ministre aurait imposé aux organisations patronales représentatives de la distribution. On se demande bien comment il aurait fait pour imposer une telle mesure à des intérêts privés aussi différents que Walmart (Etats-Unis), Carrefour (France) qui ont autant de sens patriotique en Argentine que Mittal à Florange ou à Liège, et Coto ou Disco (Argentine), nettement plus concernés par l'avenir du pays.
La Nación prévoit aussi que la mesure puisse faire disparaître des rayons certains biens jusqu'à ce que les prix de vente final puissent reprendre leur grimpette.

En fait, la période de gel des prix correspond à la période de la rentrée scolaire, qui a lieu traditionnellement le 1er mars. Il est possible que le ministre ait pu convaincre le secteur qu'il avait tout intérêt à jouer le jeu pour soutenir la consommation dans une période où les clients ont de gros achats à faire en équipements comme en alimentation plutôt que de risquer de les voir réduire leurs dépenses à une saison où se joue une grande partie du chiffre d'affaires de l'année.

L'ancien responsable de la CGT, brouillé avec la Présidente depuis deux ans, clame quant à lui, dans les colonnes de La Nación -ce qui ne manque pas de sel- que cet accord a pour but d'imposer le maintien à un niveau bas des revendications salariales des syndicats dans la négociation paritaire qui précède toujours la rentrée et qui se tient actuellement. S'il faut faire un procès d'intention au Gouvernement, le fait qu'on entre dans une année électorale me paraît à soi seul une bonne motivation pour encourager ce genre de mesure commerciale.

Clarín préfère disserter sur les variations de prix existant entre les différentes enseignes de supermarché et les différents quartiers et dénoncer que ce gel des prix ne palliera pas ce qui lui apparaît comme une injustice. Et c'est vrai que les prix sont plus élevés en général à Recoleta ou à Belgrano, les quartiers chics, qu'à San Telmo ou Almagro, les quartiers de classes moyennes. Mais cela n'est-il pas une simple application des lois libérales et capitalistes de l'offre et de la demande d'une part et de la libre concurrence d'autre part ? Il serait surprenant que ce soit l'effroyable résultat de l'interventionnisme d'Etat de ce méchant gouvernement. La mauvaise foi de certains raisonnements est parfois plus qu'agaçante.

Concrètement, les prix pratiqués à la date du 1er février seront tous enregistrés, publiés et conservés pendant deux mois, y compris les prix promotionnels qui devaient être par nature éphémères. Les associations de consommateurs invitent les clients à conserver tous leurs tickets de caisse, à les comparer de jour en jour et à leur signaler les éventuelles enfreintes à l'accord, qui va s'étendre aux chaînes d'équipements électro-domestiques, informatiques et Hi-Fi, comme Frávega et Garbarino, et il sera proposé aussi aux patrons des petites supérettes indépendantes de quartier d'adhérer à cet accord, celles qu'on appelle à Buenos Aires les supermercados chinos parce qu'ils sont tous tenus par des immigrants du Sud-Est asiatique (Laotiens, Cambodgiens, Vietnamiens et Chinois).

Pour aller plus loin :
lire l'article de La Nación sur les positions de Moyano.