samedi 7 novembre 2015

La CEA (re)met les points sur les i et les barres sur les t [Actu]

La Conférence épiscopale argentine vient de recevoir la présidente de l'ONG Familiares de Desaparecidos y Detenidos por razones políticas, plus communément connue comme Familiares (Parents de Disparus et Détenus pour raisons politiques). Son secrétaire général, Monseigneur Carlos Malfa, lui a expliqué, en cette difficile campagne de second tour, que l'appel à la réconciliation nationale lancé, à plusieurs reprises, par l'Eglise catholique à toute la société argentine depuis plusieurs années ne cachait aucune invitation à laisser les crimes de la Dictature impunis.

La page intégrale de Página/12
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En bas à droite,
un article sur l'identification des soldats tombés aux Malouines

Déjà alors qu'il était archevêque de Buenos Aires, le cardinal Jorge Bergoglio répétait sans cesse cette nécessité qu'il y avait à la fois d'une réconciliation de tous les citoyens et d'une justice humaine qui passe et qui fasse aussi la lumière sur les actes commis sous le gouvernement de fait de 1976-1983. Peine perdue ! Le message n'est toujours pas compris par la grande majorité des Argentins. C'est en effet la grande confusion conceptuelle qui règne aujourd'hui dans le pays et qui entraîne une chaîne de malentendus depuis des années dans les trois camps, ceux qui ont soutenu la Dictature (sans avoir pour autant commis des crimes) et qui veulent réactiver l'amnistie ou se voiler les yeux devant ces atrocités, ceux qui se sont accommodés du régime sans le combattre et qui trouvent que les ONG empêchent la réconciliation d'advenir par l'incessant rappel des griefs des uns contre les autres (1), voire par la réouverture incessante des plaies les plus purulentes, et ceux enfin qui ont combattu la dictature, souvent au risque de leur vie, qu'ils aient pris les armes ou non, et qui exigent que justice soit faite, comme elle a été faite dans la plupart des démocraties européennes après l'Occupation nazie. En Europe, l'Eglise rencontre la même difficulté à faire comprendre à l'opinion publique que pardon et oubli ne sont pas des synonymes, bien au contraire. On ne pardonne pas ce que l'on oublie puisque précisemment on l'oublie.

Nunca se debe confundir la reconciliación con impunidad” […] La reconciliación es un tema importantísimo para la fe cristiana, pero nunca se debe confundir la reconciliación con la impunidad” […] La Conferencia Episcopal Argentina está trabajando en el ordenamiento de los archivos. Y en el tema derechos humanos ya se está colaborando con la justicia desde hace años”
Mon. Carlos Malfa, cité dans Página/12

Il ne faut jamais confondre la réconciliation et l'impunité. […] La réconciliation est un sujet très important pour la foi chrétienne mais la réconciliation ne doit jamais être confondue avec l'impunité. […] La Conférence épiscopale argentine travaille actuellement à la mise en ordre des archives (2). Et au sujet des droits de l'homme, voici déjà des années qu'elle collabore avec la Justice.
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

Ante un pedido de explicaciones de Madres y Abuelas de Plaza de Mayo, de Familiares y del CELS, el presidente del Episcopado, José María Arancedo, aclaró que “la reconciliación no es borrón y cuenta nueva, y menos impunidad”. “Es necesario el empeño en la búsqueda de la verdad, el reconocimiento de cuanto sea deplorable y la reparacion en justicia de los daños causados. También debemos reconocer que el perdón y la reconciliación son dones de un Dios que nos ha hecho hermanos”, escribió.
Página/12

A la demande d'explications de Madres et Abuelas de Plaza de Mayo, de Familiares et du CELS, le président de l'Episcopat (3), José María Arancedo (4) a expliqué que la réconciliation ce n'est pas on efface tout et on recommence comme si de rien était, et encore moins l'impunité. L'effort de la recherche de la vérité, la reconnaissance de tout ce qu'il y a à déplorer et la réparation en justice des torts causés sont un besoin. Nous devons aussi reconnaître que le pardon et la réconciliation sont des grâces d'un Dieu qui a fait de nous des frères, a-t-il écrit.
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

Après avoir doctement cité tout cela, le journaliste retombe à pieds joints dans les sempiternelles âneries de sa rédaction (5) sur la demande de réconciliation qui, en 1982, cachait une volonté d'impunité (6), c'est-à-dire exactement le contraire de tout ce qu'il vient d'exposer.

Incorrigible !

Pour aller plus loin :
lire la dépêche de l'AICA (l'agence de presse de l'Eglise catholique argentine) sur les déclarations de Monseigneur Arancedo intitulée "Un affrontement électoral n'est pas une guerre" (Una contienda electoral no es una guerra). Ce n'est encore acquis que pour peu d'Argentins, comme j'ai pu en faire plusieurs fois l'expérience tant à Buenos Aires qu'à Mendoza.



(1) Il ne faut pas oublier que les partisans de la Dictature et que la droite en général reprochent aux ONG et aux militants justicialistes d'avoir été pendant ces années sombres des guerrilleros, ce qui est loin d'être toujours vrai. Les militants politiques opposés à la Dictature et au coup d'Etat militaire et parmi eux en particulier les péronistes, qui forment le gros du bataillon des disparus, n'ont pas tous pratiqué la lutte armée ni ne l'ont préconisée. C'est en particulier le cas des deux associations phares fondées dans les premiers mois de la Dictature que sont Madres de Plaza de Mayo et Abuelas de Plaza de Mayo : toutes ces femmes courageuses n'ont eu recours qu'à la non violence et au droit, national et international, en invoquant la constitution du pays et les traités internationaux signés par l'Argentine lorsqu'elle a adhéré à l'ONU.
(2) Très tôt après son élection, le Pape François a demandé publiquement que l'Eglise argentine recherche dans ses archives tous les éléments pouvant aider à la recherche des disparus et mettent ses informations à la disposition des enquêteurs, de la Justice et des ONG de familles de victimes. Il ne faisait alors que reprendre publiquement une décision que la CEA avait prise quelques mois avant la renonciation de Benoît XVI.
(3) Erreur fréquente et fatigante chez les journalistes, de plus en plus incultes en matière de religion (toutes les religions) et incapables d'écouter ce qu'on leur explique, vu qu'ils se croient détenteurs de tout le savoir du monde : le rédacteur, resté ici anonyme, confond la CEA avec une structure hiérarchique et croit que son président est le supérieur hiérarchique des autres évêques du pays. Une conférence épiscopale est une instance de partage et de communion spirituelle. Les évêques gouvernants n'ont qu'un seul supérieur hiérarchique, le Pape, uniquement lui, dans le monde entier. Les évêques auxiliaires répondent, quant à eux, à l'évêque qui a en charge le gouvernement du diocèse. Ils appartiennent de plein droit à la conférence épiscopale de leur pays ou de leur région.
(4) L'archevêque de Santa Fe (province homonyme)
(5) Les autres journaux ne sont pas beaucoup plus précis ni plus justes sur le sujet.
(6) Cette demande s'adressait tout autant aux membres de la Junte et à leurs subordonnés, priés d'arrêter les persécutions et les violations des droits de l'Homme.